Colites microscopiques

Les  colites microscopiques comportent deux formes histologiques, la colite lymphocytaire et la colite collagène, et sont définies :

  • Cliniquement par une diarrhée en général chronique fluctuante
  • En endoscopie par un aspect le plus souvent normal de la muqueuse (rarement érythème, ulcérations ou déchirures)
  • Histologiquement (biopsies muqueuses) par :
    • Deux lésions communes aux colites lymphocytaires et collagènes :
      • Des altérations épithéliales (abrasion, détachement)
      • Une infiltration du chorion par des lympho-plasmocytes, des polynucléaires neutrophiles et éosinophiles
    • Un épaississement (>7 µ) de la bande collagène sous-épithéliale de l’épithélium de surface, spécifique de la colite collagène, en général plus marqué dans le côlon droit
    • Une augmentation (> 5%) du pourcentage des lymphocytes intra-épithéliaux, qui est caractéristique de la colite lymphocytaire lorsqu’il dépasse 20%

ÉPIDÉMIOLOGIE

  • Incidence estimée en France : 8/100000 habitants/an (de l’ordre de celle des maladies inflammatoires chroniques intestinales (MICI)), prédominance féminine, âge médian de début de 50-60 ans
  • Histoire naturelle et complications
    • Extinction spontanée avant 3 ans dans la majorité des cas, mais il existe un sous-groupe de maladies chroniques réfractaires aux traitements médicaux sans extinction spontanée comme au cours des MICI
    • Déshydratation et troubles du rythme cardiaque sont possibles (diarrhée profuse, comorbidités). Pas de cancérisation connue de l’inflammation colique
    • Altération majeure de la qualité de vie fréquente (incontinence, selles nocturnes, perte de poids)

ÉTIOLOGIE

  • Une cause médicamenteuse (lansoprazole, sertraline, olmésartan, AINS, etc), doit toujours être recherchée
  • Une infection intestinale (Yersinia, Clostridium difficile) peut être un facteur déclenchant
  • La plupart des cas sont déclarés idiopathiques et sont considérés comme des maladies auto-immunes, significativement souvent associées à d’autres maladies auto-immunes

DIAGNOSTIC

  • Des biopsies coliques, si possibles étagées, au minimum sigmoïdiennes, sont nécessaires au diagnostic et doivent être lues par un anatomo-pathologiste connaissant bien les critères diagnostiques des colites microscopiques
  • Sont nécessaires par ailleurs
    • Une enquête médicamenteuse exhaustive sur tous les médicaments actuellement pris par le patient, régulièrement ou non, et introduits dans les 3 mois précédents (un intervalle de 2 mois entre le début du traitement et celui de la diarrhée est habituel), sans limite de temps pour les sartans
    • Un bilan biologique sanguin confirmant l’absence habituelle de syndrome inflammatoire et mesurant le retentissement hydro-électrolytique de la diarrhée

La recherche de maladies auto-immune associées pouvant contribuer à la diarrhée (maladie coeliaque, gastrite auto-immune, diabète)

PRINCIPES DE PRISE EN CHARGE

La prise en charge est faite par les hépato-gastroentérologues en ambulatoire (rares hospitalisations pour déshydratation ou gestes endoscopiques)

  • La première étape est la suspension des traitements potentiellement responsables, en s’aidant d’autres médecins spécialistes lorsqu’une substitution est nécessaire (psychiatres pour les inhibiteurs de recapture de la sérotonine, cardiologues pour les sartans)
  • Le traitement symptomatique (colestyramine, doses réparties de lopéramide ou racécadotril) est parfois suffisant : il est alors à maintenir jusqu’à l’extinction spontanée de la maladie
  • Le budésonide (9 mg/j deux mois) apporte une bonne réponse clinique dans 80% des cas, mais la diarrhée rechute très souvent à l’arrêt. S’il est bien toléré, le traitement par budésonide peut être prolongé plusieurs mois-années sous couvert d’une surveillance des complications de la corticothérapie (prise de PA, recherche de diabète, examen ophtalmologique, ostéodensitométrie)
  • En cas de corticorésistance, certains traitements immunosuppresseurs des MICI peuvent être essayés (azathioprine, anti-TNF, védolizumab) avec une efficacité suggérée par les séries de cas, mais sans essai dédié avec tirage au sort
  • Dans certaines colites très invalidantes et réfractaires à tous les traitements médicaux, une iléostomie de dérivation (seulement temporairement efficace), voire une proctocolectomie avec anastomose iléo-anales et réservoir, peuvent être envisagées

PERSPECTIVES ET ENJEUX

  • Eduquer les médecins généralistes et spécialistes sur les médicaments qui peuvent être responsables d’une colite microscopique
  • Lorsque les éléments d’imputabilité sont suffisants, inciter les industriels et les agences du médicament à mentionner cette complication dans le résumé des caractéristiques du produit
  • Inciter les médecins généralistes à confier rapidement aux gastroentérologues leurs patients atteints de diarrhée chronique

Laurent Beaugerie – Paris

Références

  1. Fumery M et al.. Incidence, clinical presentation and associated factors of microscopic colitis in Northern France : a population-based study. Dig Dis Sci 2017; 62: 1571-9
  2. Kafil TS et al.. Interventions for treating collagenous colitis. Cochrane Database Syst rev 2017 ;11 :CD003575
  3. Chande N et al.. Interventions for treating lymphocytic colitis. Cochrane Database Syst rev 2017 ;7 :CD006096