Rectocolite hémorragique

La rectocolite hémorragique (RCH) constitue avec la maladie de Crohn (MC) l’une deux principales maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI). Les formes frontières entre la MC et la RCH – dénommées colites indéterminées –  représentent 5-10 % des cas de MICI. Les MICI sont des affections d’origine multifactorielle dans la cause précise demeure inconnue. Leur pathogénie est complexe. Elle met en jeu une prédisposition génétique, des facteurs environnementaux, des anomalies de la réponse immunitaire et des perturbations dans la composition du microbiote intestinal, appelée dysbiose.

DÉFINITION

La RCH se caractérise par une inflammation chronique du rectum qui peut s’étendre de façon continue et rétrograde à la totalité du côlon, sans jamais intéresser l’intestin grêle ni l’anus. Cette inflammation occasionne des symptômes digestifs chroniques invalidants que sont l’émission fréquente de selles sanglantes, les douleurs abdominales et les signes généraux (amaigrissement, asthénie, fièvre) dans les formes les plus graves.

Près d’un malade sur deux atteint de RCH décrit également des manifestations extra-intestinales, autrement dit une inflammation chronique qui va toucher d’autres organes tels que les articulations axiales et/ou périphériques définissant alors une spondylo-arthorpathie, la peau (aphtes, érythème noueux, pyoderma gangrenosum) ou les voies biliaires (cholangite sclérosante primitive). 

ÉPIDÉMIOLOGIE

Les MICI sont des maladies des temps modernes. Identifiée à la fin du XIXe siècle au Royaume-Uni, la RCH est devenue une maladie fréquente dans les pays occidentaux au cours de la deuxième moitié du vingtième siècle. Nous assistons depuis une vingtaine d’année à une pandémie de MICI avec une explosion du nombre de cas de RCH dans les pays asiatiques, sud-américains et africains (1). Dans le même temps, la prévalence des MICI continue à croître dans les pays développés. Elle devrait ainsi atteindre 1 % de la population canadienne à l’horizon 2030. 

En France, le nombre de patients atteint de MICI a régulièrement augmenté à partir des années 50 et semble se stabiliser depuis le début du XXIe siècle (2). L’incidence annuelle de la RCH est de 4,1 pour 100 000 habitants selon les données actualisées du registre EPIMAD collectant depuis 1988 les données des départements du Nord, Pas de Calais, Seine-Maritime et Somme. Pour autant, le nombre de cas à début pédiatrique continue de croitre régulièrement dans notre pays.

Selon les données de la SNIIRAM, 212 700 personnes ont été prises en charges pour MICI en 2015 dont environ la moitié pour une RCH. On estime donc à au moins 100 000 le nombre de cas de RCH en France actuellement (2). Il est important de souligner que la RCH est une maladie de l’adulte jeune, avec un âge médian au diagnostic de 35 ans.

DIAGNOSTIC

Le diagnostic de RCH doit être évoqué chez un sujet se plaignant d’une diarrhée sanglante évoluant depuis quelques jours à quelques semaines. L’endoscopie digestive basse, que ce soit la coloscopie ou la recto-sigmoïdoscopie, permet alors de confirmer le diagnostic par la mise en évidence de lésions macroscopiques caractéristiques et la réalisation de biopsies identifiant une inflammation intestinale contenant des signes de chronicité.

Le diagnostic peut être difficile quand la maladie débute tôt ou tard dans la vie ou bien lorsque la RCH débute sous la forme d’une poussée sévère – également dénommée colite aiguë grave – qui constitue une urgence vitale justifiant un diagnostic rapide et une prise en charge dans une unité spécialisée.

PRINCIPES DE PRISE EN CHARGE

La RCH évolue par poussées inflammatoires dont la survenue demeure imprévisible. A long terme, cette inflammation chronique du rectum et du côlon peut favoriser la survenue d’un cancer colorectal (5-10 % des cancers colorectaux sont développés sur MICI). Les poussées inflammatoires sont parfois sévères puisque 20 % des malades atteints de RCH feront une colite aiguë grave au cours de leur vie. Pour autant, l’espérance de vie des malades atteints de RCH est maintenant proche de celle de la population générale dans les pays occidentaux.

En l’absence de cause identifiée, le traitement de la RCH ne peut être curatif. Il a pour but de traiter l’inflammation de manière à soulager les symptômes et faire disparaitre les anomalies endoscopiques (3). En effet, les malades en rémission clinique et endoscopique sont ceux qui ont une meilleure qualité de vie et une réduction du nombre de rechutes comme du risque de cancer colorectal.

Nous disposons désormais de plusieurs options thérapeutiques dans la RCH. Le traitement de première ligne par dérivés salicylés suffit à contrôler la maladie chez près de la moitié des malades atteints de RCH. Pour les autres, la stratégie classique consiste en une escalade thérapeutique graduelle passant tout d’abord par les corticoïdes, puis les immunosuppresseurs et enfin les biothérapies (anticorps monoclonaux anti-TNF, anti-intégrines, anti-IL12/23) et bientôt les inhibiteurs JAK ; l’objectif étant de réserver les traitements les plus puissants aux malades les plus graves. La chirurgie de la RCH qui réséque la totalité du côlon et du rectum n’est envisagée qu’en cas d’échec du traitement médical, de colite aiguë grave réfractaire au traitement ou de mise en évidence de lésions précancéreuses voire d’un authentique cancer colorectal. Le taux de colectomie est actuellement estimé à 20 % à 10 ans après le diagnostic. Ces dernières années ont été marquées par le développement des biothérapies qui sont une avancée thérapeutique importante ayant permis de soulager des malades réfractaires aux traitements jusqu’alors disponibles et de réduire le nombre de malades opérés.

ENJEUX ET PERSPECTIVES

Les MICI et plus particulièrement la RCH illustrent tous les enjeux actuels qui sont posés par les maladies chroniques dans notre pays : étiologie multifactorielle et donc absence de traitement curatif dans un avenir proche, projections épidémiologiques inquiétantes, morbidité élevée et mortalité faible, population concernée faite de sujets souvent jeunes en période d’activité professionnelle, traitements au long cours devenant de plus en plus efficaces mais associés à une augmentation des coûts et à des effets indésirables parfois graves, stratégies thérapeutiques se complexifiant, innovations diagnostiques et thérapeutiques nombreuses. Si l’on veut optimiser la prise en charge de ces patients souvent très bien informés et donc offrir une qualité de soin qui soit équivalente sur le territoire national, il est évident qu’il faudra très vite structurer un enseignement et des réseaux et parcours de soins dédiés, articulés autour des centres de référence à l’image de ce qui se fait en oncologie. 

David Laharie – Bordeaux

MOTS CLÉS

Rectocolite hémorragique, maladie inflammatoire chronique de l’intestin, épidémiologie, immunosuppresseurs, biothérapies.

Références

  1. Ng SC, Shi HY, Hamidi N, Underwood FE, Tang W, Benchimol EI, Panaccione R, Ghosh S, Wu JCY, Chan FKL, Sung JJY, Kaplan GG. Worldwide incidence and prevalence of inflammatory bowel disease in the 21st century: a systematic review of population-based studies. Lancet. 2018 Dec 23;390(10114):2769-2778.
  2. Fumery M, Savoye G, Pariente B, Turck D, Gower-Rousseau C. « Épidémiologie et histoire naturelle des maladies inflammatoires chroniques intestinales : 30 ans de registre EPIMAD ». Mini-revue. HGOD 2018 ; 25 (2).
  3. Ungaro R, Mehandru S, Allen PB, Peyrin-Biroulet L, Colombel JF. Ulcerative colitis. Lancet. 2017;389:1756-1770.